
Juillet062025
Sur le fil
Cet enfant est extraordinaire. Littéralement. Je le sais. Depuis longtemps. Depuis sa naissance. Même avant.
Il n’est pas comme les autres.
Tous les parents pensent ça. Mais lui…
Il ne ressemble à aucun. Je le vois sous toutes ses coutures.
Mon p’tit garçon sur le fil.
Il est différent. Il ne joue pas aux voitures, à la bagarre ou aux jeux vidéos.
Il aime rire, inventer des histoires et dessiner des dragons. Et puis, les paillettes, les licornes, les robes… La magie, les autres, le spectacle.
Il est pas comme les autres.
Avec son imagination débordante, ses expressions théâtrales et son empathie qui le fait parfois s’oublier lui-même.
On m’a dit qu’il ferait du spectacle vivant avant même qu’il ait 2 ans. Jongleur, comédien, clown ? Artiste en tout cas. Il l’est déjà. Funambule aussi. Mon p’tit garçon sur le fil.
Il m’en a donné du fil à retordre. Dès sa naissance catastrophe. On me l’a littéralement arraché du ventre celui-ci. Ça ne tenait qu’à un fil ou plutôt à un cordon que je ne connaisse de lui que les acrobaties aquatiques qu’il faisait dans mon ventre. Puis, j’ai compté les secondes, allongée sur le sol à côté de son lit en attendant qu’il s’endorme. J’ai lutté à ouvrir les yeux le matin, aux aurores, pour l’accompagner dans la découverte de sa nouvelle journée. J’ai pleuré en silence, la nuit, au 5ème réveil qui ne me laissait aucun répit. Et puis, on me l’a kidnappé à mi-temps à ses 3 ans, ça m’a laissée sur le fil du rasoir.
Le roi des funambules, il m’a appris à marcher sur un fil en regardant droit devant. Pour le rejoindre sur le sien et apprendre à danser en équilibre précaire.
Je le trouve tellement beau ! Drôle ! Rayonnant ! Cet enfant, c’est une bulle de tendresse, de joie et d’aventure. C’est un soleil. Je veux coudre avec lui la plus belle des histoires.
A 3 ans, pour Noël, il a voulu une robe de princesse. Il a choisi la plus lumineuse. Dorée à paillettes. Avec le plus de froufrous possible. Elle est aussi large que longue cette robe !
Au fil du temps, il s’affirme !
À 4 ans, quand on faisait les soldes pour lui racheter des vêtements à sa taille, il voulait une robe. Mais il m’a dit qu’il n’oserait pas la porter à l’école. Il avait peur que les autres lui disent qu’un garçon, ça ne s’habille pas en robe.
Au fil du temps, il se confronte.
A 5 ans, quand je suis rentrée d’Afrique, je lui ai rapporté une magnifique robe qui tourne, en wax verte et jaune, qu’il a portée fièrement tout l’été. Je le revois danser dans la rue pavée du centre ville en sautillant sur le chemin de la librairie… Que le premier qui le regarde de travers vienne se frotter au mien de regard…
Au fil du temps il s’assume.
J’aime sa joie, sa liberté et son imagination !
Quelle épreuve de ne pas lui tenir la main tous les soirs avant qu’il ne s’endorme maintenant. Il m’a transformée en fil-de-fériste sans balancier. J’étais pas prête à lâcher sa main. Je veux tisser avec lui une aventure extraordinaire.
Et aujourd’hui, je suis inquiète. Je devrais pas. J’ai confiance en lui, je suis fière. Admirative. Et puis, il m’a appris à jongler, à faire le clown, à me contorsionner dans tous les sens. Tellement fière. Mais un peu inquiète. C’est ça aussi être maman.
Je suis inquiète parce qu’il est différent.
Je suis inquiète parce qu’il ne rentre pas dans un moule.
Je suis inquiète parce qu’il suit son propre fil.
Je sens bien que le cadre de l’école classique, c’est pas pour lui. Les lettres dansent devant ses yeux. Les mots jonglent dans sa bouche. Sa tête tricote des histoires plutôt qu’elle n’organise des apprentissages. Il a son fil à lui. Mon enfant funambule.
Je préfère son monde : empli de bienveillance, d’idées, d’amour, de films d’ombres chinoises à base de dragons et de pierres précieuses, de balades magiques à Brocéliande à chercher des korrigans, de potions, de baguettes et de phénix. J’adore qu’il m’emmène là-bas… même si parfois ça peut être gênant ! « Euh non, tu peux pas dire que tes animaux fantastiques préférés ce sont les nains… »
Il utilise les mots pour coudre des histoires fantastiques. Il écrit des phrases toutes attachées pour broder entre réel et imaginaire. Il coupe, rafistole, lie les tissus, cartons, ficelles, perles pour créer un peu plus de magie et de douceur dans ce monde.
Il suit son fil.
Il a mille idées à la seconde. Il dessine, il peint, il crée : des objets, des potions, des vêtements. il prend soin des siens. Et des autres aussi. Il supporte pas de voir sa sœur pleurer ou se fâcher. Il comprend pas nos échanges un brin chargés d’humour et parfois même de sarcasmes à elle et moi. « Apprends moi l’ironie maman ! » « Parce que je comprends pas et que je veux taquiner ma sœur moi aussi ».
Il est anxieux. Il veut toujours savoir ce qu’on fait après. Il s’inquiète des autres : « qu’est-ce qu’elle a ma sœur ? » Et de ce qu’on mange. Il a toujours faim.
Il est câlin. Il aime grand. Il peut pas s’empêcher de mettre sa main dans mon décolleté pour sentir mon grain de beauté depuis qu’il l’a repéré. C’est-à-dire à l’âge de 3 mois je pense. C’est insupportable.
Il sourit, il rit, il pétille. Malin, magique et malicieux. Il donne le ton à la journée. Avec lui, elle sonne comme un éclat de rire.
Je suis fière parce qu’il est différent.
Je suis fière parce qu’il ne rentre pas dans le moule.
Je suis fière parce qu’il suit son propre fil.
Il veut être « potionniste » plus tard. Du coup, je sais pas s’il finira herboriste, chimiste ou barman. Tout me va à moi, tant qu’il est heureux ! En attendant, il me fabrique des potions d’amour, de lumière ou de joie avec des paillettes, de la peinture « luminante » et des pierres précieuses.
Il me pique mes foulards, mes bijoux et veut absolument jouer avec mon pendule.
Il s’en fout des voitures, de la bagarre et des jeux vidéos.
Il parle du matin au soir. Et même il crie des fois. Les mots se bousculent un peu de temps en temps. Y a des p’tites collisions entre 2 idées. Il demande "comment ça va ?", "comment s’est passé la journée ?" et si on est heureux. Il se soucie. Il prend soin. Je l’aime tellement.
Au fil du temps, il fait de moi une fil-de-fériste sans balancier. Je tiens plus sa main qu’un soir sur deux mais il sait déjà danser sur le fil depuis longtemps. Le roi des funambules. Et moi j’ai plus tout le temps sa main dans la mienne mais je l’ai toujours sur mon cœur. Pas loin de mon grain de beauté d’ailleurs.
J’en veux plus des personnes comme lui dans le monde.
Il colorie la vie.