
Mai192024
Prends garde à toi
Elle s’était dit, fais gaffe il risque de te plaire vraiment celui-là. Elle était dans sa phase d’exploration. En plein chantier. Hors de question de retourner dans une relation. Elle veut que le bon, le léger, le fun. Elle veut pas de sentiment. De couple. De quotidien. Elle est vaccinée. Plus jamais.
Et lui, il cochait pas mal de cases. Intéressant. Canon. Un p’tit côté aventurier. Un p’tit côté artiste. Un rêveur. Ils ont discuté un moment avant de se voir. Elle hésitait. Une p’tite voix dans sa tête se méfiait. Se méfiait d’elle.
Quand ils se sont vus, ça l’a rassurée. Il lui plaisait. Mais elle avait pas pour autant envie de plus que ça. Et Il avait pour projet de partir à l’autre bout du monde pour une durée indéterminée à une date indéterminée qui ne lui semblait à l’époque pas si lointaine. Un CDD sympa. Il était dans la même optique qu’elle. Pas de relation. Pas d’attache. Pas d’exclusivité. C’était carré.
Elle était libre, indépendante, redevable de rien. C’est ce qu’elle voulait. Elle pouvait vivre tout ce dont elle avait envie. Avec qui elle en avait envie. Elle s’en est pas privée.
Et puis, lui, il lui plaisait bien.
Au bout d’un moment, elle a commencé à se dire que ça faisait quand même un bail qu’ils se voyaient régulièrement. Elle commençait à sortir la tête de l’eau et il était peut-être temps de se poser 2, 3 questions… parce que pas de relation, pas de relation… y avait quand même 2/3 mecs qu’elle voyait régulièrement depuis des mois.
Et avec lui, y avait beaucoup de choses qui lui allaient bien, mais y avait aussi des choses qui la gonflaient. Notamment son manque d’initiative malgré son plaisir manifeste à la voir. Il l’avait prévenue, c’est vrai, mais c’était chiant quand même.
Et puis son cadre à lui était très clair et dans les grandes lignes, collait avec le sien. Mais en vrai c’était pas vraiment superposable. Il a fait quelques infidélités à son règlement intérieur de plan cul. Elle sait pas bien pourquoi. Il avait quand même besoin de maintenir une certaine distance et dans son cadre à lui, ça allait sans câlins. Sans tendresse. Les paroles sympas et valorisantes se sont transformées au fur et à mesure. Uniquement quand ils baisaient. Et uniquement concernant le sexe. Agréable. Elle adorait ça. Mais ça donnait aussi la sensation de n’être appréciée que pour la baise. Elle croit pas que c’était le cas. Il appréciait autre chose aussi chez elle. Mais vu que le sexe était vraiment top et qu’ils partageaient pas grand chose d’autre, difficile de penser que ce n’était pas la seule chose qui l’attirait, même s’il a pu lui affirmer le contraire plusieurs fois.
En fait, elle l’aimait. Mal. A moitié. Parfois. Comme elle pouvait au vu de son passif. Elle n’aimait pas que lui. Elle l’aimait pas tout le temps. Mais c’est un peu ça aimer aussi…
Elle voyait ses failles et elle s’en foutait. Parce qu’elles ne la concernaient pas. Parce qu’elle les trouvait touchantes sans qu’elles l’atteignent.
Son p’tit côté vénère qui se déclenche comme un interrupteur. Elle trouvait même ça excitant. Il redescendait comme il était monté. En 2-2. Elle trouvait ça un peu dingue, surprenant, un peu attendrissant.
Cette capacité à parler tout le temps. De tout. Bon, essentiellement de lui quand même. Côté mégalo qui la faisait sourire.
Du coup, dans le lot, il était pas vraiment fiable, parce qu’à dire tout ce qui te passe par la tête, forcément tu retiens pas tout. Et tu dis des conneries. Et il peut arriver de dire une chose et son contraire ou de ne pas tenir ce qu’on dit.
Si elle disait tout ce qui lui passe par la tête aussi, il y aurait une certaine confusion ! Son cerveau n’a aucune logique ! Ça fuse dans tous les sens. Et v’la la cohérence dans tout ça !
Autant de choses qui la confortaient dans le fait de ne pas s’approcher de trop près et qui l’auraient gavée rapidement dans une relation classique.
Mais il lui plaisait.
Elle s’est dit stop. Elle voulait toujours pas d’une relation classique. Mais elle avait envie d’autrement. Réciprocité, tendresse et l’idée de l’exclusivité lui avait même traversé l’esprit. Marre des capotes. Marre de ses allusions à d’autres, passées ou présentes.
Elle était sereine quand elle a pris cette décision. Un peu nostalgique mais elle pensait qu’il lui passerait rapidement.
Ça n’a pas été le cas. Et quelques mois plus tard, elle l’a relancé. Besoin de vérifier s’il lui plaisait vraiment ou si elle avait enjolivé tout ça dans sa tête en son absence. Il lui plaisait toujours. Merde. Elle était pas encore lassée. Lui non plus d’ailleurs. Elle pensait qu’il dirait non. Vu qu’il avait expliqué que quand il sentait qu’une fille s’attachait trop, il coupait les ponts.
Pourquoi il l’a pas fait ? Elle était pas claire ? Sûrement. Il a été un peu égoïste ? Peut-être. Il était un peu attaché lui aussi ? Mouais.
Il lui plaisait. Elle a remis une pièce. L’esprit occupé par un million d’autres choses et ouvert à d’autres rencontres. Autres rencontres : pas concluantes. Qui lui ont laissé un : « non merci, j’ai pas du tout envie de ça » ou un vague « mouais ». Y en a un qui était sur la voie de lui faire changer d’avis mais beaucoup trop de pression, beaucoup trop tôt. Elle s’est retrouvée en PLS sur le carrelage froid en attendant que ça passe. Relation classique c’est pas pour elle. En tout cas pas encore.
Il avait une façon de mettre à distance qui n’était pas la sienne. Leurs limites étaient différentes. Elle a transigé un peu sur les siennes avec l’inconfort qui venait avec. Il a vu ses enfants, dans un contexte pro, mais quand même. C’était bizarre pour elle. Ses plans foireux en terme de réponses et de délais ont pris une autre dimension à ce moment-là. Du coup réactivité exacerbée. Ça l’a gonflée. Une fois de trop. Il s’est vénère. Prévisible. Elle l’a mal pris. Prévisible aussi. Elle l’a déglingué. C’était moche. Elle aurait pas dû. Elle regrette. Mais c’est fait.
Peut-être un prétexte pour arrêter tout ça. Vu qu’elle n’y arrivait pas toute seule. Et qu’il le faisait pas non plus.