
Janvier282024
Les deux côtés de la médaille
C’est la période des fêtes. L’euphorie est encore un peu là malgré les invités partis. J’ai tenu jusque-là. Aujourd’hui, j’ai senti la fièvre qui montait, les sueurs froides arriver et la nausée se pointer. Je me retrouve avec mes 2 p’tits loups qui ont décidé de dormir ensemble et ont déménagé le matelas de mon fils dans la chambre de ma fille. Maintenant ils font ça tous seuls comme des champions ! Les pro de la translation de lit d’une pièce à l’autre. Faut que j’en profite, ça va plus tant durer. Ma fille grandit et elle qui voulait une chambre commune avec son frère il y a 2 ans, a surtout envie que son p’tit frère lui fiche la paix maintenant.
En même temps, c’était la période de séparation. Ils avaient grandement besoin l’un de l’autre.
Je monte donc m’insérer dans l’interstice qu’ils m’ont laissé, à moitié sur le matelas du petit, à moitié par terre, et j’ouvre enfin le livre que je lui ai offert pour Noël : « On a 2 yeux pour voir » du super Baptiste Beaulieu, qui au-delà d’être un médecin comme on en veut tous, est un poète magnifique.
Ma grande ne vient plus souvent écouter l’histoire (enfin LES histoires !) du soir de mon petit. Elle préfère relire Harry Potter pour la troisième fois, peinarde ! Mais ce soir, on est dans sa chambre et elle vient se blottir aussi contre moi pour écouter cette histoire-là. Je suis malade, mais je profite de ce moment suspendu, cette bulle rien qu’à nous 3. Un vrai instant de bonheur. J’adore. D’autant plus que dans quelques jours seulement, ils partent chez leur père. Je m’y ferais jamais j’ai l’impression… 2 ans et ça m’ouvre encore en 2. Il faut laisser le temps faire il parait…pffff
Cette histoire est magnifique.
Attention spoiler !
Elle parle de notre vision du monde. On aurait un œil étoile et un œil lune. On est tous comme ça quand on naît. Un œil pour voir ce qui est triste et nous fait de la peine. Un œil pour voir ce qui nous met en joie et apporte du bonheur. Tout en regardant la même chose. Et puis un jour, on arrêterait de regarder la vie avec nos 2 yeux.
Je crois pas avoir perdu cette faculté-là. J’essaye toujours de voir le bon et le moins bon. Tout n’est pas blanc ou noir. Y a plein de nuances entre les deux. Et c’est pas des nuances de gris. C’est l’arc-en-ciel entier ! Un feu d’artifice ! Je vois pas mes enfants tous les jours, mais quand je les ai, ils sont rien que pour moi et je savoure chaque instant. Même malade. En ayant envie d’aller me coucher tôt. Parce que j’en peux plus de la vie ! Le goût des choses a changé.
Je finis de lire l’histoire. Un gros câlin familial. Je pars. J’éteins la lumière et j’entends la petite voix de mes enfants : « je t’aime maman ». Oh mais moi aussi ! Tellement ! Si vous saviez comme je vous aime… Enfin vous le savez sûrement… je vous le dis tous les soirs et je vous serre très fort jusqu’à faire du jus !
Je vais enfin me coucher. Grelotter sous une couche de couettes et de plaids. J’en peux plus. Noël c’est éprouvant. Et c’est pas ma période. Hâte que l’hiver passe. Une petite demi-heure plus tard, j’entends du bruit… Naaaaaannnnn, pas de dawa ce soir… Je suis au bout de ma vie… Faut que je dorme… J’ouvre ma porte. C’est ma fille que j’entends. Elle pleure. Elle sanglote. Des torrents de larmes. Est-ce qu’elle est éveillée ou est-ce qu’elle dort ? C’est le retour des terreurs nocturnes ? Petite, elle faisait ça. 1/2h, 3/4h après s’être endormie. Cris et sanglots inconsolables dans une demi-conscience. Ça pouvait durer plus d’une heure. Ça fait longtemps que ça n’est pas arrivé. A l’époque, c’était déjà moi qui restais avec elle dans ces moments-là. Y avait rien à faire de particulier, mais je pouvais pas la laisser toute seule dans cet état. Juste essayer de la rassurer et qu’elle sente une présence bienveillante auprès d’elle. Son père essayait aussi. Mais ça lui faisait péter les plombs. Faut dire qu’il est dur de rester serein à côté de ce qui ressemble à une séance d’exorcisme… ça n’a pas toujours été facile pour moi non plus. Mais j’ai jamais voulu la réveiller en la mettant sous une douche froide… Et j’ai jamais pu la laisser seule dans ces moments-là. Il paraît que ça change rien. Limite, c’est ce qu’il faut faire. De toute façon, elle s’en rappelait jamais le lendemain matin. Mais pour moi, ça changeait quelque chose d’être à ses côtés ou non.
Ce soir, elle est bien consciente. Elle est malheureuse. Rien ne va. Elle en a marre. Elle veut que ça s’arrête. Comment elle peut ressentir et dire des choses pareilles alors qu’elle n’a même pas 10 ans. Ça me brise le cœur.
A côté, son petit frère dort profondément. Ça m’a toujours fait halluciner cette capacité qu’il a, à s’endormir en 3 secondes et ce sommeil de plomb qui ne laisserait ni un séisme ni un tsunami le réveiller alors qu’il a fait des nuits tellement pourries étant bébé !!!
Je m’allonge à côté de ma fille. Je lui prends la main. Je l’écoute. Je lui pose 2, 3 questions. La fin de l’année a été difficile pour elle aussi. Et puis, c’est une éponge. Elle est hypersensible. Je me demande pas de qui elle tient ça… Je lui explique l’hiver, les jours qui raccourcissent, le temps maussade, la fatigue… Et puis les souvenirs douloureux de cette période… Peut-être pour elle aussi. C’est là qu’on s’est séparés avec son père. Elle acquiesce. C’est dur pour elle aussi. Elle en parle plus jamais. Mais là, elle s’y autorise. Alors on reprend ensemble ces fichus mois de novembre et décembre. Et on regarde toutes les deux avec notre œil lune, ce qui nous a mis en joie malgré tout. Il y en a eu plein aussi.
Je reste un bon moment.
Ça va mieux.
Je suis fatiguée. Je suis malade. Je suis un peu inquiète aussi. Un peu triste. Je suis maman solo.
Je suis heureuse. Je suis libre. Je savoure chaque instant. Sa présence. Sa main dans la mienne. Sa confiance. Ce lien unique. Je suis maman solo.
Les deux côtés de la médaille.