
Mars052024
Le vieux père et les enfants
Notre séjour au village commence.
Et c’est la visite au vieux père qui nous accueille ici dans son auberge pour dormir, et là dans son jardin pour jouer et danser. C’est le père. C’est le patriarche. C’est l’architecte.
Il nous explique « le village ». 20 000 habitants quand même… Ah oui ?!?!!! On est sur du bon gros village quand même. Il sort le cadastre et nous fait visiter les rues, les voies, les infrastructures sur le papier :
« On a fait des lots là et il y a des emplacements réservés. Pour la maternité, pour le marché, pour des voies, assez larges… Mais les gens s’installent, là. Y a pas de marché c’est dommage. Tsssu. »
Ce soir, quand il fera plus frais ce sera la balade en vrai. Pour nous présenter au village. Mais on va pas aller voir le préfet là. Pas le chef du village non plus. On va voir le vieux sage de la gouvernance, le plus vieux père. Sous l’arbre à palabres. C’est lui qui ouvre et ferme les séances, qui porte la parole de la gouvernance et qui transmet au chef. « Vous êtes pas des officiels. Sinon on irait voir le préfet. Je vais vous présenter au village. Après vous pouvez aller partout. Vous êtes chez l’architecte. »
Ici c’est une Gouvernance collective.
C’est pas le chef du village qui décide. C’est une catégorie d’âge. Pour une période de 8 ans. Celle des 65 à 75 ans… et plus aussi. Mais pour les hommes ça commence vers 60. C’est une fourchette. Une fourchette large. Qui dépend, qui dépasse. Et puis si ça change tous les 8 ans, je comprends pas trop bien les calculs. C’est une fourchette quoi…
Y a 536 personnes à la gouvernance. Ça fait du monde à réunir sous l’arbre à palabre pour décider des affaires du village chaque semaine… « mais y a pas tout le monde à chaque fois là ».
Pendant qu’il nous explique tout ceci, il nous conseille aussi. Qu’il faut avoir un projet de vie. C’est important. Euh, bah mon projet c’était d’être ici déjà… Et qu’il faut investir. Ah ? À Dubaï… Of course… C’est pas trop mon projet par contre…
Une troupe d’enfants nous suit en riant et en appelant l’enfant blanc qu’ils découvrent avec une curiosité festive. Des toubabous c’est assez dingue ! Mais un enfant toubabou !!!! Waouh !!!
Et puis ils s’assoient. À quelques mètres de nous et des notables. Et écoutent avec un calme et une patience incroyables les paroles du vieux père. Sur les investissements immobiliers à Dubaï donc. Bon, après avoir été menacés d’être chassés là, ou d’aller chercher la chicote s’ils émettaient le moindre son !
Ces enfants qu’on retrouvera chaque jour. Nous saluant à toute heure du jour ou de la nuit.
Nous regardant danser en montant derrière le mur du jardin de l’architecte orné de tessons de bouteille.
Nous accompagnant chez Moussa pour comprendre la fabrication de l’attiéké et au champ d’hévéas pour voir la récolte de la sève qui sert à faire du caoutchouc.
Poussant la grosse porte rouge du jardin de l’architecte pour venir s’installer sous l’oranger avec nous.
Nous écoutant jouer Soko.
…Plutôt qu’aller à l’école… « Allez tous ceux qui sont en uniforme là, à l’école là ! »
Eux ils n’ont pas encore de catégorie d’âge, pas avant d’avoir 20 ou 21 ans. Mais bientôt ce sont eux qui seront à la gouvernance !
Les enfants du village. Le village des enfants.
Et puis nous, on a notre vieux père perso. Pas le même style. Lunettes de soleil, casquette et djembé au bout des doigts. C’est le responsable. C’est le cerveau. Djembéfola. C’est lui qui discipline sa troupe. Frères et toubabous. Il veut savoir aussi c’est quoi notre projet. Mais pour la soirée de demain. On va au maquis ou en boîte ? On se couche avant de partir pour Assinie ou on enchaîne direct la route après la soirée ? De toute façon, on se reposera là-bas... C’est plus dans mon style de projet là !