Mais qu’est-ce qui m’arrive ?
L’impression de sa présence. Partout dans l’atmosphère. Ses yeux clairs. Sa voix grave. Son petit sourire. Ses cheveux longs. 
L’impression d’être hantée.
Qu’est-ce que ça vient faire là ? Ça faisait longtemps que ça n’était pas revenu si fort.

J’étais pleine d’entrain en rentrant du boulot. Motivée par ce week-end entre filles en perspective. Des envies de musique à fond dans la voiture et même de danser en culotte dans mon salon. 
J’allume le poste. Ma playlist. Ça fait longtemps que je n’ai pas écouté de musique dis donc. Je fredonne et danse intérieurement dans ma voiture. Je suis de bonne humeur malgré la reprise du boulot.
Et puis une pensée. Est-ce qu’il va bien. Je poursuis ma route. Vais récupérer les courses au drive. La musique défile mais j’adore cette chanson, particulièrement cette version, je la remets. Je m’occupe des courses. Je charge. Je reprends la route. Je décharge. Je remets la musique chez moi pendant que je range et que je cuisine pour le pique-nique de demain. À fond la musique. Ça fait du bien. Ça fait longtemps. J’ai cette sensation dans la poitrine. Besoin de prendre plus d’air pendant quelques respirations. Puis ça repart. J’ai remis cette chanson encore. Je danserais bien tout à l’heure quand j’aurais terminé de faire mon sac de rando pour demain. La playlist défile. C’est quoi cet aléatoire inopportun qui ne me propose que des chansons associées à lui. Putain c’est vrai que je l’aimais. Qu’est-ce que je l’ai aimé… Je vais nourrir le chat et vider les poubelles. Faut pas que j’oublie ce que j’ai mis dans le frigo demain. Surtout les bières ! J’ai pris des coronas. Souvenirs du Mexique pas si lointain ! Les autres y étaient pas mais m’en fous. Il est là. J’ai beau chassé mes pensées, je suis hantée. Spotify me joue des tours. Je vaque à mes occupations mais j’ai des petites bouffées d’angoisse qui remontent. L’étau dans la poitrine se serre puis repart. Mais pourquoi ? Je suis très au clair. C’était un fiasco cette relation. Malgré l’amour et la passion. Je sais que je ne veux pas de ça. C’est terminé et j’en suis vraiment soulagée. Ça fait des mois que je n’y pense plus. Je ne suis plus amoureuse. Je le sais. Mais si je le revoyais un jour comme aujourd’hui, je serais bouleversée. Encore une bonne raison pour se protéger encore un peu. De lui comme de moi. C’est quoi ça alors ? Et pourquoi ça me tombe dessus maintenant ? Ça vient d’où ? La musique m’accompagne encore mais je n’ai plus envie de danser. Encore moins en culotte dans mon salon.
C’est pas de la nostalgie. C’est pas du manque. Un besoin d’adresser une prière peut-être ? Il détesterait ça. Mais c’est tout ce que je peux faire. désolée.pardon.merci.jet’aime. Je souffle. Je vais quand même manger un petit quelque chose ce soir. J’ai faim. J’attrape deux œufs dans le frigo, une poêle dans le tiroir. J’allume la gazinière. J’aimerais lui dire que je l’ai aimé. Que je sais que lui aussi. Qu’il m’a fait très mal. Que je l’ai probablement fait souffrir également. Qu’on se comprenait pas. Que j’ai essayé. Que je me suis protégée. Que je l’ai protégé aussi d’une certaine façon. Que je serais jamais celle qu’il voulait que je sois. Et que j’étais rien de ce qu’il a conclu. Qu’il était pas tout à fait celui que je croyais non plus. Que je vais bien. Que j’avance. Que j’espère que lui aussi mais que je veux surtout pas savoir comment. Qu’il se soigne aussi. Qu’il a choisi le loup blanc plutôt que le noir. J’aimerais lui dire merci profondément. J’ai changé. J’ai grandi. Grâce à lui. Grâce à ce qu’on a vécu. A ces montagnes russes que je ne veux plus revivre. Grâce au bien et au mal qu’on a traversé. C’est grâce à lui que je sais ce que je vaux aujourd’hui. Que je peux être aimée et que je peux aimer aussi. Mais pas à n’importe quel prix. Tout n’est pas acceptable. Et que je m’aime aussi. Et lui redire que ça serait une idée complètement stupide de se revoir. Se recontacter. Se reparler. On rallume pas la mèche de ce genre d’explosif.

C’était quoi cette chanson que j’ai écouté et réécouté aujourd’hui ? 

…Somebody i use to know… 

Ça y est. 
Je sais d’où ça vient cette réminiscence du passé… 
La musique. 
Toujours la musique. 
Il s’immisce toujours par la porte de la musique. 
J’ai le droit de pleurer encore un peu. Ça ne change rien à ce que je sais au plus profond de moi : Les choses sont bien mieux ainsi. J’ai fait ce qu’il y avait de mieux à faire. Le mieux n’est pas forcément bien. J’ai le droit d’être triste aujourd’hui. Je suis hantée par sa présence ce soir. 

Alors je vais conjurer le sort. Je vais écrire. Et puis je vais danser. Et ça passera.

But you didn't have to cut me off
Make out like it never happened
And that we were nothing
And I don't even need your love
But you treat me like a stranger
And that feels so rough
You didn't have to stoop so low
Have your friends collect your records
And then change your number
I guess that I don't need that though
Now you're just somebody that I used to know