
Avril142024
KARCHER
J’ai croisé un copain hier au bar qui m’a dit qu’il fallait pas que je fasse ma feignasse. Si j’avais envie d’écrire, je devais m’y mettre pour de bon. Ecris tous les jours qu’il a dit. Même si t’as rien à dire. Tu passes le karcher demain. Ecris là-dessus.
Je me suis décidée. Je vais passer le karcher sur ma terrasse. Il est temps. Il est grand temps. J’ai tout prévu. Ce week-end il fait beau. J’ai pas les gosses. J’ai un truc de prévu samedi soir mais sinon je suis free. J’ai du temps. Ça me fera du bien d’être dehors. Je me suis préparée psychologiquement.
Tu la sens la motiv’ ? moi pas de ouf…
Déjà j’ai trouvé un karcher ! Etape 1. Merci les copains.
Ensuite je suis allée le chercher. Etape 2. Check !
Explication du fonctionnement de l’engin. Étape 3 : gnnnn …
Je sens qu’il y a trop d’étapes mais ça va le faire.
Le plan : Je repars avec le karcher dans le coffre. Je passe rapido m’envoyer en l’air avec ce mec qui me plaît bien. Eventuellement je prends une bière avec ma cop’s ensuite. Je rentre tôt. Demain matin, avant qu’il ne fasse trop chaud, je passe le karcher.
Ça c’était le plan.
Bon comme toute chose, rien ne se passe jamais comme prévu !
Déjà ce mec, « il habite au 9ème ça fait 2 étages plus haut que le 7ème ciel ». Tiens, une p’tite chanson de Mano qui flotte… c’est laquelle déjà ?
Bref, là je dois les monter à pied les 9 étages. C’est pas comme s’il faisait moins de 30° aujourd’hui. « Quand je descendrai d’ici plus rien ne sera jamais pareil ». Non faut pas pousser Mano. A part le fait que j’aurais probablement mal aux cuisses demain… Il veut pas plus que le 7ème ciel avec moi.
Finalement je reste un peu tard, c’était une bonne soirée. Et quand je repars, il est déjà 22h. Je pose ma caisse chez moi et je pars à pied rejoindre ma copine. Oui. J’ai déjà bu 2 bières. Je suis de super bonne humeur. Demain j’ai touuuuuute la journée pour nettoyer ma terrasse. Je suis large. Y a moyen de se faire une petite soirée sympa et une grasse mat’ demain.
Arrivée au bar, je suis de super bonne humeur : entre ma cop’s vue cet après-midi, qui en plus de me prêter son karcher, m’encourage à écrire et ce mec qui me plaît bien, qui me fait un effet… cette petite soirée fort sympathique s’inscrit dans une semaine vraiment sympathique ! Je vais bien. C’est indécent comment je vais bien ! Le chat ronronne.
L’heure de la ferm’ arrive. Je sais pas comment je me suis retrouvée à ne payer qu’un seul verre encore… mais faut qu’on se décide. « La nuit sonne ses derniers coups, J'irai jusqu'au bout… »
On va où après ? je checke mon portable. Tiens j’ai un message. Si j’ai envie d’un câlin je peux passer chez un copain. Je sais pas si j’ai envie d’un câlin. Peut-être. Peut-être pas. Et je sais pas si j’ai envie de ce mec. Peut-être. Peut-être pas. Mais en tout cas ! J’ai pas envie de me coucher tout de suite !!!! Et puis il habite à côté, ça se tente. Je lui réponds : « on peut passer à 4 ». Putain je réalise. J’espère qu’il pense pas que je lui propose une partouze.
On retrouve ce copain chez son voisin. Je suis toujours hyper confiante pour passer le karcher demain matin.
C’est cool. On chante du Mano ! Ça faisait longtemps ! (Enfin pas dans ta tête ma mignonne) Rituel oblige : j’ai laissé un message à mon frangin. Quand on chante du Mano en soirée, on s’appelle. C’est pas négociable. Je l’ai pas appelé en direct. J’ai laissé un vocal. C’est pas que je me suis souvenue qu’il venait de commencer une formation, qu’il a 2 bébés et qu’il a le covid. Non. Je capte pas. A 2h½, j’ai plus de patrie.
Finalement je finis chez ce copain. J’aurais pu m’abstenir. La bête était nourrie et satisfaite. J’avais un chat qui ronronnait dans le ventre déjà. Ce mec qui me plaît bien fait très bien le job. Mais bon, je suis curieuse. Et puis, je me rappelle plus bien. C’était comment déjà la nuit passée avec ce copain il y a quelques temps ? J’ai vraiment une mémoire de poisson.
En même temps, si tu t’en rappelles pas tant ma fille… y a des indices… mais à cette heure je n’ai aucun esprit de déduction !
Je suis toujours confiante dans l’idée de nettoyer ma terrasse demain. Enfin tout à l’heure…
Bon. Ça me va pas. Non non non. Ça ne me va pas. On est pas sur le même trip. Et puis, en plus, je repense à ce mec qui me plaît bien, furtivement. Rrrr… Mais casse-toi de ma tête ! Qu’est-ce que tu fous là maintenant ?
J’ai décidé de rentrer chez moi. Pas envie de dormir avec lui. En plus il ronfle. Ça, je m’en rappelle. « C’est toujours quand tu dors que moi je dors pas. » Bah là, y a moyen. Il est 4h½ et je veux rentrer chez moi. Demain, j’ai karcher !
Je prends mon téléphone avant de partir et je vois que ma sœur m’a appelée il y a une demie heure.
Hummm, ça sent pas bon. 4h c’est pas l’heure de chanter « la Lune ». Et puis c’est pas mon frère. Et ils sont pas ensemble. Ça pue cet appel.
Je la rappelle. Du coup, je pars pas tout de suite sinon je capte plus…
Et ouais ça pue grave ! Dispute avec son mec. Il s’est tiré. Bourré, défoncé, avec son van. Et elle, elle s’inquiète pour lui. Mais juste avant ça, petit détail, il l’a frappée.
Ah mais non. On s’en bat qu’il se foute dans le fossé en fait. Rien à carrer ! Par contre, toi, ma belle, tu sors de là immédiatement et tu te retournes pas !
Casse-toi ! Casse-toi ! Casse-toi !
J’enrage. D’habiter trop loin de chez elle. D’être saoule. De pas pouvoir prendre ma caisse pour aller la chercher moi-même.
Elle me fait promettre de ne rien dire. Ok. A condition que tu te barres. Je la menace. Carrément. « Je te rappelle dans une 1/2h. Si tu t’es pas barrée, j’appelle notre frère ! » Rien à foutre. Et lui, il viendra la chercher fissa. Avec une pelle s’il le faut. Et s’il croise ton mec, il le défonce.
Ce que je ferais aussi. Si je le pouvais. Mais on est bien d’accord, je suis moins impressionnante qu’un rugbyman. A la rigueur, un chat un peu véner… mais je m’en fous, c’est l’intention qui compte. Faut se méfier des chats véners… faut pas qu’on touche à mon frère et ma sœur.
Bon, tout ça me prend un certain temps. J’attends chez ce copain avant de la rappeler. Il tente 2, 3 mots pour m’apaiser. « Calme-toi ». Très efficace. Ça a toujours aidé ce genre de remarque. Il me dit que je suis pas calme. Non, là tout de suite, je suis pas calme. Il tente un câlin. Non mais là, j’ai pas envie. Clairement.
Je repars de chez lui avec ma sœur au bout du fil. Elle est partie de son futur ex-copain.
Bon c’est bien. Je peux souffler.
Elle est arrivée chez elle.
Moi aussi.
Je peux dormir.
Il est 6h.
Demain, programme : karcher… et gueule de bois.
Il est midi passé. J’ai checké ma sœur. Je suis allée chercher le karcher dans le coffre. J’ai monté tous les tuyaux et bitoniaux, j’ai retrouvé mon tuyau d’arrosage. Tous les embouts nécessaires. Il fait 35°. Tout est monté comme il faut. J’ai chaud, j’ai mal au crâne, je suis barbouillée. J’ai faim. J’ai soif…
Mon robinet fuit.
Ça marche pas.
C’était ça mon plan. Karcher.
J’ai croisé un copain hier au bar qui m’a dit qu’il fallait pas que je fasse ma feignasse. Si j’avais envie d’écrire, je devais m’y mettre pour de bon. Ecris tous les jours qu’il a dit. Même si t’as rien à dire. Tu passes le karcher demain. Ecris là-dessus.
Du coup voilà, finalement, j’écris.
Bravo.
C’est pas comme ça qu’elle va se nettoyer ma terrasse.
Illustrations : Mano Solo
Paroles de chanson issues de : "Je reviens", "J'aurais voulu", "toujours quand tu dors"