
Avril282024
Glissière
Elle a repris confiance. Elle va mieux. Elle trace sa route. Ça roule !
Elle est retombée sur des vieilles notes. Et cette fois-ci, elle en a ouvert une. Elle croyait que c’était bon. Qu’elle était assez armée pour replonger dans les souvenirs. Au travers les mots. Pour n’en garder que le meilleur.
Non. Erreur.
« Mon amour, mon doux, mon tendre, mon merveilleux amour…
Voilà 10 ans que nous nous sommes mariés et déjà 17 ans que tu es entré dans ma vie, la moitié de ma vie à cheminer avec toi.
Il y a 10 ans je t’ai fait plusieurs promesses et je crois que le contrat est pleinement rempli. Il y a 10 ans on décidait de construire ensemble notre route du bonheur. Il y a 10 ans je savais pas encore vraiment ce que c’était le bonheur en fait. Le bonheur c’est d’être ensemble à programmer notre prochain road trip pendant que notre fille danse et que notre fils rit aux éclats en imitant sa sœur. Le bonheur c’est de partager un livre tous les 4 avant le dodo. Le bonheur c’est aussi le silence dans tes bras quand les enfants sont couchés et dorment plus de 3h d’affilée !
Car aujourd’hui, 2 rayons de soleil sont venus nous rejoindre sur le chemin, compléter notre famille, illuminer nos vies et raccourcir nos nuits.
Aujourd’hui, je suis comblée grâce à toi et aux 2 magnifiques enfants que tu m’as donnés.
Aujourd’hui je me sens entière, remplie de joie et d’amour, pleine de confiance en l’avenir et je ne changerai pas un détour de notre histoire puisque cette route nous a amenés ici et maintenant.
Au cours de ces 10 ans, nous avons suivi notre petit bonhomme de chemin d’abord à deux, pendant 5 ans, puis à trois et enfin à quatre. Ce chemin est pittoresque, une route toujours en travaux comme au Canada, une piste au milieu de la brousse comme au Cameroun, un chemin de terre sinueux comme en Corse, une allée pavée où l’on doit faire attention où l’on met les pieds comme à Cadaquès, une ruelle crevante qui monte comme à Porto, une route à tunnels comme en Norvège, un canal paisible comme à Venise, une avenue grandiose comme à Moscou ! Mais jamais une autoroute, nous avons traversé des paysages inoubliables et grandioses, parfois orageux mais toujours colorés, remplis d’amour et d’émotions. La vie est belle avec toi ! Le voyage est magnifique !
Aujourd’hui je voulais te dire à quel point je t’aime. Tu es un homme merveilleux, beau, attentionné, généreux, drôle, un partenaire exceptionnel, un papa formidable et je mesure chaque jour la chance que j’ai de t’avoir dans ma vie.
Comme je suis heureuse de fêter notre famille et tout ce temps passé à tes côtés.
Alors je voudrais renouveler ça pour les années à venir... Disons qu’on refait le point dans 10 ans, contrôle technique, pression des pneus et plein d’essence puis on resigne et on fêtera ça à nouveau entourés des gens qu’on aime.
Oh Mon amour, mon doux, mon tendre, mon merveilleux amour, je t’aime encore tu sais, je t’aime. »
Non. Excès de vitesse. Sortie de route. Glissière.
Ça marche pas encore. Ça fait juste mal. Plus qu’elle le pensait. Parce que, putain c’est vrai tout ça. Elle l’a pensé. Elle l’a vécu. Elle l’a voulu.
Et aujourd’hui tout est redessiné. La route est bien différente. C’est pas le même level. Qu’est-ce qu’elle est devenue ???
Ça ressemble à quoi maintenant ?
Ces mots qu’on lui a dits… Qui viennent se téléscoper dans sa tête.
« J’allais pas te laisser crever dans ta merde » Rappelle-toi... Comment on peut dire ça à quelqu’un qu’on aime ou qu’on a aimé ? Rappelle-toi. « Si j’ai fait ça c’était pour te faire sentir coupable ». Rappelle-toi. Il était ça aussi. Rappelle-toi. C’est pas comme ça que tu veux être aimée. « En fait, au fond, tu voulais peut-être pas être mère ». Elle y pensait moins à ces maux-là. De l’eau a coulé sous les ponts. Elle y pensait moins. Elle en avait moins besoin. Elle est encore en colère finalement. Mais elle s’est adoucie cette colère. C’est pour ça que ça fait si mal aujourd’hui. C’est plus facile quand on est en colère. Quand on voit que la partie noire, moche et brûlée de la médaille. Va pas regarder de l’autre côté. T’es pas prête encore. Rappelle-toi.
La route est belle aussi maintenant. La destination est inconnue mais de toute façon, c’est pas parce qu’on a une idée de la destination à atteindre qu’on y arrive vraiment.
Et puis ces mots qu’on lui a dits… Qui viennent se télescoper dans sa tête.
« C’est maintenant qu’il faut trouver quelqu’un. Parce qu’après c’est trop tard. Tu vas finir seule. Et c’est dur de vieillir seule. » Elle en sait rien. Jusqu’ici tout va bien. Elle a pas envie d’être accompagnée. C’est pas nécessaire en fait ! En même temps, des fois c’est dur… C’était dur aussi avant putain !
Rappelle-toi.
La route est belle maintenant. Elle a un GPS. Mais l’itinéraire indiqué n’est pas toujours celui qu’elle prend.
Ces mots qu’on lui a dits… Qui viennent se télescoper dans sa tête.
« Si tu veux faire le chat, je veux bien faire la souris ». Mais non garçon. Elle veut pas jouer au chat et à la souris. Ça l’intéresse pas. Elle a pas envie. Et puis, t’es bien sûr de toi ? T’as vu ce qu’il fait le chat avec la souris ? Elle a un bon potentiel de chat. Modèle chat sauvage.
La route est belle maintenant. Seule ou accompagnée. C'est pas interdit de prendre des auto-stoppeurs non ?
Ces mots qu’on a lui dits… Qui viennent se télescoper dans sa tête.
Sa fille : « t’as les yeux brillants maman ». Ouais. C’est devenu une pleureuse. Elle a pas envie que ses enfants la perçoivent comme ça. Mais c’est elle aussi maintenant. La petite voix de son fils : « tu pleures maman ? » Ouais. Elle aimerait bien pleurer moins. Elle pleure quand elle est fatiguée. Quand elle est émue. Quand elle est triste. Quand elle se sent seule. Quand elle est débordée. Quand elle se sent nulle, incapable de rien. Quand elle se pète le dos à remonter la poubelle verte archipleine dans l’escalier du jardin. Quand l’un de ses enfants pleure. Pour le moment elle a de la chance, ils prennent un ticket pour se relayer parce que sinon ce serait un vrai carnage. Elle pleure quand c’est beau. Quand ça passe trop vite. Quand elle retrouve ses enfants. Quand elle les quitte. Quand ils lui manquent et quand c'est trop dur toute seule. Elle pleure quand elle danse aussi parfois. Quand elle rit avec eux. Quand la vie est belle. Cette maison aujourd’hui, elle est pleine de rires. Mais elle est pleine de larmes aussi. Les siennes. Alors c’est pas grave. Regarde. Regarde comme c’est beau ici. C’est plein de vie. Elle a reconstruit de belles choses. Ses enfants sont formidables. Écoute. C’est la vie qui crie dans cette maison. Elle est vivante.
La route est belle maintenant. Définitivement.
Le choix des mots… C’est quelque chose d’important pour elle. Elle les choisit. Elle les pèse. Elle joue avec. Les mots. C’est la traduction de ce qui est. C’est le pont entre soi et les autres. C’est le lien. Le liant. Les mots. Ceux qu’on dit. Ceux qu’on ne dit pas. Le choix des mots. Les paroles s’envolent, les écrits restent il paraît. Certaines paroles s’envolent pas tant.
Faut faire attention à ce qu’on dit bordel !