C’est une déglingo. Je l’adore. Je suis tombée amicalement amoureuse. C’est possible ça ? Oui c’est possible. Pourquoi ça le serait pas après tout. 

Je l’ai rencontrée en période bien down. Pour elle comme pour moi. A l’époque, mon cœur balançait entre des envies de meurtres et des envies de me taper la terre entière. Ou entre donner des coups de pelle et rouler des pelles. Pas de juste milieu.  

Je pousse la porte de ce bar. C’est la 2ème fois que j’y mets les pieds. Mais cette fois-ci, je suis toute seule. J’ai fui la maison. Le silence. L’absence. Le manque. J’ai fui parce que si je me roule en boule, je vais déverser des torrents de larmes et clairement je vais me noyer.  

Elle est assise au comptoir. Je commande une bière à ce serveur aussi beau qu’une licorne que m’a présenté un pote la première fois que j’ai atterri ici.  

Elle est magnifique. Avec son style bien à elle, son crâne à moitié rasé à blanc et ses cheveux au carré peroxydés de l’autre côté, son piercing au coin de la lèvre et ses yeux tout pailletés. Je sais plus ce qu’elle portait ce soir-là mais ça devait sûrement être une veste en fourrure léopard, des paillettes, un short et des collants en résille. Elle passe pas inaperçue. Déjà je l’aime bien. C’est pas une nana lambda. 

Elle me regarde et elle me dit « t’as l’air triste ». Sans déconner. Ça se tient. Je suis triste. Elle aussi, elle a l’air triste. Ça se tient. Elle l’est. On commence à discuter. Elle me raconte un peu sa vie. Je raconte un peu la mienne. Elle finit par aller prendre un rail de coke avec la licorne et vomir au milieu du bar. Ce rad il sent la bière, la gerbe, la drogue, le désespoir et puis aussi la musique, la bienveillance, les rencontres, la joie. Ça va vraiment pas. J’ai bien ma place ici. Et puis elle, je l’aime bien. Elle me donne son numéro quand je pars et me fait promettre de l’appeler. Je le ferai. Elle est belle, à l’intérieur comme à l’extérieur. Elle est brute, rayonnante et écorchée. Bien sûr que j’ai envie de la revoir. Et puis à ce moment-là, je me demande même si je testerais pas l’aventure avec une nana. Pourquoi pas après tout ?  

Elle est plus âgée que moi et elle me ressemble un peu. Approximativement même coupe de cheveux et piercing. Féministe, affirmée. On dirait une walkyrie. Mais fragile quand même. Qui aime très fort ses gens à elle et qui a fort envie d’envoyer chier le reste du monde. Même modèle familial (enfin de ma vie d’avant) : en couple depuis plus de 20 ans, mariée, 2 enfants. Des envies de faire évoluer son couple vers quelque chose de différent, moins conventionnel. Sauf qu’elle, elle l’a fait. Ça me frappe de plein fouet. À cette époque je me dis qu’elle, ça aurait pu être moi dans quelques années si ça s’était pas terminé avec mon ex. 

On se revoit quelques jours plus tard. On va prendre un café en ville. Et ma première impression se confirme. C’est une belle rencontre. C’est le début d’une belle amitié.  

Finalement on se roulera pas de pelles. Ni là, ni plus tard. Parce que c’est une amie précieuse et que ça serait franchement con de foutre ça en l’air. Et puis parce que finalement, je suis attirée par les mecs. Fait chier. Ça me semblerait tellement plus simple une relation avec une meuf. Et elle c’est une sacrée bombasse. À tendance psychopathe. Une Harley Quinn en moins pouffe. J’adore.  

Aujourd’hui je l’aime encore plus. Elle change de cheveux comme de chemise. Elle est pleine de sagesse mais elle est pas sage. Et puis c’est surtout un nouveau pilier dans ma vie. J’ai l’impression qu’elle sera toujours là si j’en ai besoin. Et c’est réciproque. On peut rire comme des baleines pour des blagues de pet, pleurer comme des connes sur nos histoires de mecs, danser comme des folles sur le dancefloor, aller s’envoyer en l’air en parapente ou boire de la bière dans les bars tout simplement. Faudrait que je lui demande si elle a une pelle dans son coffre et si elle viendrait creuser avec moi pour enterrer un corps dans la forêt en cas de besoin… 

Elle est un peu folle il parait. Enfin, d’après son ex seulement… Ah oui, elle n’est plus avec le père de ses enfants depuis quelques mois. Elle entame sa traversée du désert. C’est ceux qui l’aiment pas qui sont fous. Si elle, est folle, vive la folie alors ! Elle est pas folle, elle est vivante. Et vraie. Au contraire elle est lucide et elle a bien raison : les autres c’est tous des connards ! 

Illustration : Mügen le chien fou