Août182024

BOULOT BOULOT BOULOT

J’aime pas travailler quand je suis pas censée travailler…

 

Une fois n’est pas coutume je vais parler boulot.

Mon taf c la comm’. La vraie. La belle. L’humaine. Pas la pub. La stratégique. La manipulatrice.

 

Donc a priori je communique pas trop mal. J’ai 2, 3 notions. Au-delà de ce que je propose à mes patients pour rafistoler leur langage, ma posture s’adapte afin de comprendre et faire comprendre. J’ai une p’tite boîte à outils à portée de main. Dans ma tête et dans mes poches.

« Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous voulez entendre, ce que vous entendez, ce que vous croyez en comprendre, ce que vous voulez comprendre, et ce que vous comprenez, il y a au moins neuf possibilités de ne pas se comprendre. » comme le dit Werber. Alors c’est pas une mince affaire.

Le fond du message doit primer sur la forme. Mais je peux t’apprendre la forme. Et adapter la mienne. Toujours. Je suis pas mauvaise. Au boulot comme au quotidien. 

 

Un après-midi à la bibliothèque, je lis un livre géant à mon tout petit. Une autre mini pouce s’approche, s’intéresse et baragouine en commentant ce qu’elle voit elle aussi. Elle a à peine 2 ans je pense, et son langage n’a pas encore beaucoup de consonnes! Je lui réponds, questionne, reformule ce qu’elle dit et nous échangeons quelques paroles. Sa mère se penche au-dessus de nous et me glisse : « Vous la comprenez ! C’est rare ! Dans notre entourage personne ne la comprend ». Oui j’ai fait trouble du langage en 2ème langue option théorie de l’esprit renforcée. Donc là, c’est easy…

 

On me dit souvent que la conversation est fluide avec moi. Il est facile de me parler. J’écoute bien et je comprends bien. On se confie aisément sans même s’en apercevoir. Oui. Déformation professionnelle. Et puis c’est un peu ma spé : habiletés conversationnelles. J’en ai fait mon mémoire et si j’avais poursuivi mes études j’en aurais fait une thèse probablement. Je trouve ça plus palpitant que de connaître la position et le mouvement de ta langue dans ta bouche quand tu déglutis même si ça peut t’être utile pour 2, 3 trucs dans ta vie perso aussi. Une vague relation avec les pelles et tout ce qui s’en suit.

 

Alors je suis pas toujours au top. Des fois, j’ai pas envie. J’imagine qu’un comptable n’est pas emballé, emballé devant sa déclaration d’impôt en rentrant chez lui. Mais faire sa déclaration d’impôt est moins fréquent dans son quotidien que parler et écouter… Enfin, normalement…

 

Nonobstant…

 

Y a des gens, ils me fatiguent. 

Genre ceux qui font aucun effort. 

« Cc » c’est pas une introduction à la conversation. « Miaou » non plus. « Oui » c’est pas une relance. Un pouce en l’air non plus. T’étonnes pas si la conversation s’arrête là. C’est bon c’est pas à moi de faire tout le taf ! Je fais ça à longueur de journée. Si on discute, c’est pour me détendre, pas pour avoir des réminiscences de ma séance de 15h avec monsieur aphasique non fluent. 

 

Y a des gens, ils me fatiguent. 

Genre ceux qui panent rien du tout et qui se comportent comme des enfants de 3 ans. Avec toutes les options : intolérance à la frustration, monopolisation de la conversation, « et moi je », régulation émotionnelle d’un diable de Tasmanie et compréhension des sous-entendus, de l’humour et de l’ironie en dessous du niveau de la mer. Team 1er degré for ever.

Au boulot, j’adore ces patients. C’est même mes chouchous. Un bon gros trouble pragmatique. D’où qu’il vienne : trauma crânien, TSASDI, démence fronto-temporale, TDAH, dysphasie sémantique pragmatique…Version chelou. Y en a qui ont des combos sympas. En général, ils sont pour moi ceux-là. Les zarbis. J’adore. Ceux qui « parlent bien » mais que, quand même, tu sais pas trop pourquoi on se comprend pas, la conversation ressemble à rien. Ils m’ont tellement appris. Bien plus que dans les livres, les cours et les séminaires. Seulement, c’est terrible dans la vie quo. Je compatis tellement avec les aidants. Mais bon, quand ils viennent me voir, c’est qu’il y a une demande. On peut bosser et je cadre, je régule. 

Le truc dans ma vie perso, c’est que les gens pragmatiquement chancelant avec qui j’échange, ne sont pas du tout conscients du problème. Complètement anosognosiques ! Les gens sous coke sont souvent des champions hors catégorie. Mais y en a tout plein d’autres aussi. C’est chiant. Et là, des fois, c’est moi qui en ai marre de faire des efforts. C’est bon, je suis en vacances. Démerde-toi tout seul ou me parle pas c’est encore mieux. Moi je capitule. C’est pas ma bataille.

 

C’est pas compliqué la conversation. Y a des règles simples bordel ! 

La base, les routines : au début tu dis bonjour et tu demandes comment ça va. A la fin : tu préviens de la fin et tu dis salut. 

Au milieu t’échanges. C’est là que ça commence vraiment. Tu poses une question !!! Ouverte la question. Pour OUVRIR la discussion. C’est le concept. Et t’écoutes la putain de réponse. 

Ensuite : La RECIPROCITE ! « Et toi ? » c’est pas long à retenir comme formule. Et c’est efficace !

Si tu racontes une anecdote te concernant, c’est pas un monologue. Laisse de la place à ton interlocuteur ! Une conversation c’est du 50-50. Sinon c’est une interview. Si c’est pas pour écrire un article dans un journal, c’est chiant pour celui qui t’écoute. Si t’as juste envie de raconter ta vie, enregistre-toi un podcast perso. Tu pourras te réécouter parler et kiffer ta Life sans emmerder le monde. 

Et après si tu t’intéresses montre-le. Ça doit se voir. Hoche la tête. Regarde. Souris. Enfin, pas si l’autre te dit qu’il vient de perdre son chien. Réagis quand t’écoutes. Alors ok, à l’écrit, c’est plus compliqué. On voit pas. On se prive de 93% des infos non verbales et para-verbales. Mais ça se fait quand même. Si tu sais pas faire, apprends.

Et au milieu de tout ça, tu fais ta sauce. Un peu d’originalité, ça fait pas de mal. Sinon on s’ennuie. Et de l’humour. Sinon je m’ennuie.

 

Y a des gens, ils me fatiguent. Genre, juste ils me parlent. Et moi j’ai pas envie.